forum M. de France Analyse/Interprétation Groupe 1

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  • Dans la version de Harf-Lancner et Warnke (1990), décrivez trois exemples (avec citation) qui illustrent le phénomène de prosification propre à la conception moderne de la traduction, en choisissant 3 tendances parmi les suivantes :
    • La traduction a tendance à utiliser peu ou pas de conjonctions de subordination [comme, quand, lorsque, puisque, quoique, si, etc.] et a tendance à utiliser un nombre limité de conjonctions de coordination [mais, où, et, donc or, ni, car]. Elle n’explique, ne critique, ni ne justifie la succession des actions.
    • La traduction a tendance à utiliser des phrases brèves et simples (1 proposition) plutôt que des phrases complexes (deux ou plus propositions articulées), et utilise peu ou pas de pronoms relatifs (qui, que, dont).
    •  La traduction a tendance à utiliser le registre de vocabulaire moderne et courrant (des mots que vous comprennez probablement sans utiliser de dictionnaire).
    • La traduction utilise peu ou pas d’adjectifs ou de complément du nom pour qualifier les noms.
    • La traduction utilise peu ou pas d’adverbes pour qualifier les actions.
    • La traduction n’hésite pas à utiliser des redondances.
  • Dans la version de B. de Roquefort (1820), décrivez trois exemples (avec citation) qui illustrent le phénomène de poétisation propre à la conception classique de la traduction, en choisissant 3 tendances parmi les suivantes :
    • La traduction a tendance à utiliser beaucoup de conjonctions de subordination [comme, quand, lorsque, puisque, quoique, si, etc.] et de conjonctions de coordination [mais, où, et, donc or, ni, car]). Elle explique, critique, et justifie la succession des actions.
    • La traduction a tendance à utiliser des phrases complexes (2 ou 3 propositions) plutôt que des phrases simples, et utilise souvent le pronom relatif (qui, que, dont) pour donner un rythme ‘long’ et ‘équilibré’ aux phrases (comme dans une succession de vers dand une strophe de poésie).
    • La traduction a tendance à utiliser les registres de vocabulaire littéraire et archaïque (des mots que vous ne comprennez probablement pas sans utiliser de dictionnaire).
    • La traduction utilise beacoup d’adjectifs ou de complément du nom pour qualifier les noms.
    • La traduction utilise beaucoup d’adverbes pour qualifier les actions.
    • La traduction évite les redondances.
  • Comparez la traduction de Harf-Lancer et Warnke (1990) avec la traduction de Roquefort (1820). Selon vous, laquelle réussit le mieux à accueillir la spécificité, l’originalité, et l’étrangeté du lai de Marie de France pour un lecteur moderne?

8 réflexions sur “forum M. de France Analyse/Interprétation Groupe 1

  1. La version de « Le Rossignol » de Harf-Lancer nous donne une prosification. Cette version n’utilise ni beaucoup de conjonctions de subordination ni beaucoup de conjonctions de coordination. Par exemple, on peut regarder vers 23 (« Il s’éprit de la femme de son voisin »). Comme on peut voir dans ce vers, la narratrice seulement nous dit les faits de l’histoire. Elle ne dit pas si l’AMOUR ADULTÈRE est immorale ou acceptable. Aussi, nous pouvons voir que cette version utilise un registre moderne dans le récit. Par exemple, il faut penser de vers 17-20 (« Le second, jeune et célibataire, renommé par ses pairs pour sa prouesse et sa valeur, menait une vie fastueuse »). Dans cette version, le traducteur utilise le mot « célibataire » au lieu du mot BACHELIER. Les lecteurs modernes utilisent et savent plus « célibataire » que « bachelier. » En plus, le traducteur choisit le mot « second » en lieu de « deuxième, » un mot plus soutenu en français aujourd’hui. Tous ces choix du vocabulaire nous donnent une compréhension plus claire. Finalement, la traduction utilise beaucoup des redondances. Par exemple, on peut regarder vers 114-166 (qui le tue par pure méchanceté, en lui tordant le cou : il avait bien l’âme d’un vilain ! »). Par l’utilisation des mots « par la pure méchanceté, » on voit la cruauté du mari, mais cette version ajoute «il avait bien l’âme d’un vilain ! » sans raison. On sait déjà que le mari est cruel et jalouse par l’actions et l’autre description. La redondance accentue les fautes du mari.
    La version de B. de Roquefort nous donne une poétisation de « Le Rossignol. » Première, cette traduction utilise un vocabulaire archaïque et littéraire. Par exemple, cette traduction utilise le mot « la parure » au lieu du « les vêtements » dans le premier paragraphe. Ce choix du mot donne la traduction un ton ancien. Le ton ancien donne les lecteurs l’idée que la LAI a un moral important. Aussi, cette traduction utilise les phrases complexes pour aider le rythme du récit. Par exemple, il faut regarder un petit passage qui vient de cette version.
    « Ils s’aimaient depuis longtemps, lorsque pendant la saison charmante où les bois et les prés se couvrent de verdure, où les arbres des vergers sont en fleurs, les oiseaux font entendre les chants les plus agréables et célèbrent leurs amours, les deux amants deviennent encore plus épris qu’ils ne l’étaient. »
    Comme on peut voit, le traducteur utilise beaucoup de conjonctions dans cette phrase (depuis, lorsque, où, que). Le phrase complexe forme un rapport entre les descriptions. Cette traduction nous donne l’implication que l’amour des amants cause ces joies et beauté dans le jardin. Ces conjonctions semblent de justifier les actions des amants. Finalement, le traducteur utilise souvent les compléments du nom. Par exemple, on peut regarder la phrase « Les valets l’apportèrent tout vivant à leur maître, qui fut enchanté de l’avoir en sa possession. » Dans cette phrase, le traducteur utilise un complément du nom pour caractériser en plus de détail le mari de la femme. Par conséquence, on voit ce personnage dans un manière plus clair.
    D’après moi, la version de B. de Roquefort utilise la langue claire mais plus proche au lai ancien. En contrat, la traduction de Harf-Lancer nous donne une traduction plus similaire en la diégèse. Par exemple, je ne peux pas trouver une référence aux vêtements dans la version ancienne et dans la version de Harf-Lancer, mais je le trouve dans la traduction de B. de Roquefort. Aussi, je trouve que les octosyllabes sont plus clairs dans la version ancienne et la version de Harf-Lancer que la version de B. de Roquefort. Je trouve que les deux traductions donnent les aspects différents du texte original, mais je préfère la traduction de Harf-Lancer. Mais, je ne suis pas vraiment certaine de quelle traduction est mieux, parce que je ne comprends tous les détails du conte en français ancien.

    • Salut, Maddy!
      On a choisi les mêmes tendances pour comparer les deux textes. J’aime bien tes exemples surtout pour la version de B. de Roquefort, ils sont bien précis. J’aime bien que juste en utilisant des mots tu aies bien comparé et montrer la différence de registre de vocabulaire entre les deux textes. J’aime aussi que tu as choisi de parler des redondances dans le texte le plus récent. Je trouve que ça demande beaucoup d’attention. Je ne vois pas trop le rapport entre la première tendance que tu as choisie et l’exemple que tu as donné. Je pense que peut-être pour l’exemple que tu as donné “ Il s’éprit de la femme de son voisin” ira mieux avec “ la traduction utilisé peu ou pas d’adjectifs ou de complement du nom pour qualifier les noms” ou avec “ la traduction utilisent peu ou pas d’adverbes pour qualifier les actions.” Pourrait- tu expliquer pourquoi tu as choisi cet exemple-là pour prouver la tendance? Moi, l’exemple que j’aurais donné pour cela se trouve les vers 137 à 140: “ elle a enveloppé l’oiseau, elle a appelé un serviteur, lui a confié son message et l’a envoyé à son ami.” parce que l’auteur aurait pu utiliser des mots pour connecter tout cela, mais il ne l’a pas fait.

      • Salut Mariama !
        Merci pour ta question. Je choisissais cet exemple parce que le phrase nous donne une pièce d’information important dans un manière précise et neutre. Nous ne pouvons pas voir l’avis de la narratrice. Elle ne décrit pas l’amour, mais seulement nous dit que le voisin et la dame s’aiment. Bien sûr, il faut avoir quelques descriptions et adjectifs, mais la narratrice essaie de sembler impartiale.

  2. Dans la version 1990 de Harf-Lancner et Warnke, la traduction a tendance à utiliser un registre de vocabulaire moderne et courant. On peut voir cela en comparant des vers du texte récent à l’ancien. Vers 6 et 7 dans l’ancien texte lisent: “ E nihtegale en dreit anglais en seint Malo en la cuntree.” alors que les mêmes vers dans le récit nouveau lisent: “ et The Nightingale en bon anglais. Dans la région de Saint-Malo…” Quoique certains mots ont l’air d’être les même avec juste l’épellation qui diffère, ça reste difficile de comprendre. La traduction a aussi tendance à utiliser peu ou pas de conjonctions de subordination et a tendance à utiliser un nombre limité de conjonctions de coordination. Elle n’explique, ne critique, ni ne justifie la succession des actions. Pour prouver cela, regardons les vers 137 à 140: “ elle a enveloppé l’oiseau, elle a appelé un serviteur, lui a confié son message et l’a envoyé à son ami.” La traduction à également tendance à utiliser des phrases brèves et simples plutôt que des phrases complexes, et utilise peu ou pas de pronom relatif. On peut utiliser le même exemple dont je viens de parler. L’auteur aurait pu connecter ses phrases avec des pronoms relatifs et dire quelque chose comme: “ elle a enveloppé l’oiseau qu’elle a donné au serviteur, en lui confiant son message, qui l’a envoyé à son ami.”
    Dans la version de B. de Roquefort de 1820, la traduction a tendance à utiliser les registres de vocabulaire littéraire et archaïque. Il y a plein de mots que je ne comprends pas comme “iloec, afublot, meitefeiz…”On peut également voir cela avec la comparaison que j’ai donnée des vers 6 et 7.La traduction a aussi tendance à utiliser des phrases complexes( 2 ou 3 propositions) plutôt que des phrases simples et utilise souvent le pronom relatif(qui, que, dont) pour donner un rythme long et équilibré aux phrases. On voit l’utilisation excessive de pronom relatif et l’utilisation de longue phrases dans: “ Tant la requist, tant la preia
    E tant par ot en lui grant bien
    Que ele l’ama sur tute rien,
    Tant pur le bien quë ele oï,
    Tant pur ceo qu’il iert pres de li. » La traduction évite les redondances en utilisant de longues phrases complexes et en les attachant par des pronoms relatifs comme dans l’exemple que je viens de donner.
    Je ne crois pas être assez qualifié pour pouvoir comparer les deux textes étant donné que je ne comprends absolument rien à l’ancienne version, mais je dirai que la version la plus récente est plus compréhensible pour les lecteurs modernes. Par contre, quand il sagit de l’originalité et l’étrangeté du lai de Marie France, je crois que l’ancien texte gagne.

  3. Je viens de remarquer que j’étais en train de comparer avec le texte de Marie de France elle-même et non celui que vous nous avez donné avec la traduction de B. de Roquefort. Vous pouvez donc ignorer ma première réflexion.
    Dans la version 1990 de Harf-Lancner et Warnke, la traduction a tendance à utiliser un registre de vocabulaire moderne. Par exemple, l’auteur a utilisé le mot “ vivaient” au lieu de “résidaient” dans le vers 9. Je trouve quand même que les deux textes utilisent des mots très proches l’un de l’autre et que le texte de B. de Roquefort n’est pas nécessairement très archaïque. La plupart des mots me sont compréhensibles sans l’utilisation d’un dictionnaire. La traduction a aussi tendance à utiliser peu ou pas de conjonctions de subordination et a tendance à utiliser un nombre limité de conjonctions de coordination. Elle n’explique, ne critique, ni ne justifie la succession des actions. Pour prouver cela, regardons les vers 137 à 140: “ elle a enveloppé l’oiseau, elle a appelé un serviteur, lui a confié son message et l’a envoyé à son ami.” L’auteur aurait pu utiliser des conjonctions pour lier les phrases et éviter les répétitions, mais ceci allait rendre les phrases longues et plus complexes. La traduction à également tendance à utiliser des phrases brèves et simples plutôt que des phrases complexes, et utilise peu ou pas de pronom relatif. On peut utiliser le même exemple dont je viens de parler. L’auteur aurait pu connecter ses phrases avec des pronoms relatifs et dire quelque chose comme: “ elle a enveloppé l’oiseau qu’elle a donné au serviteur, en lui confiant son message, qui l’a envoyé à son ami.”
    Dans la version de B. de Roquefort de 1820, la traduction a tendance à utiliser les registres de vocabulaire littéraire et archaïque. Il y a les exemples de mots que j’ai donnés au début de la réflexion. Un autre exemple se trouve dans la phrase: “ elle aimait la parure.” L’auteur aurait pu utiliser des mots plus courants et modernes comme “ habits et bijoux.” La traduction a aussi tendance à utiliser des phrases complexes( 2 ou 3 propositions) plutôt que des phrases simples et utilise souvent le pronom relatif(qui, que, dont) pour donner un rythme long et équilibré aux phrases. On peut voir ceci dans: “Ils s’aimaient depuis longtemps, lorsque pendant la saison charmante où les bois et les prés se couvrent de verdure, où les arbres des vergers sont en fleur, les oiseaux font entendre les chants les plus agréables et célèbrent leurs amours, les deux amants deviennent encore plus épris qu’ils ne l’étaient.” L’utilisation de “ lorsque” et “où” permette a la phrase d’être longue. La phrase aurait pu être séparée en une ou deux autres phrases comme dans les vers de la version de Harf- Lancner et Warnke. La traduction évite les redondances en utilisant de longues phrases complexes et en les attachant par des pronoms relatifs comme dans l’exemple que je viens de donner. Je trouve que les deux textes sont très similaires et que tous les deux sont assez compréhensibles pour des lecteurs modernes, mais si je devais choisir en considérant l’étrangeté je choisirai la traduction de B. de Roquefort parce qu’ils ont l’air un peu plus similaires l’un de l’autre quand on compare le temps et le vocabulaire utilisé. Par contre, pour l’originalité je dirai que la traduction de Harf-Lancner et Warnke ressemble plus au lai de Marie de France quand on compare la façon dont les deux sont écrits. Les deux sont écrits en vers avec des phrases courtes, alors que la traduction de B. de Roquefort est écrite en paragraphes qui sont composé de longues phrases complexes.

    • Salut Mariama !
      J’aime bien ton analyse/ interprétation. Moi, j’aime bien ton explication de la prose archaïque. Je donne le même argument, mais j’aime bien que tu m’as donné les exemples des mots que le traducteur utilise dans la version de 1999 contre la version de 1820. Moi, je pense que peut-être Roquefort utilise les mots contemporains pour le temps dans lequel il traduisait, mais le vocabulaire nous semble archaïque parce que nous sommes les lecteurs plus modernes.
      Moi, je ne suis pas d’accord avec ta proposition que la version de Roquefort était la version plus similaire à l’original. Tu as raison pour dire que tu préfères la version de Roquefort, mais je trouve qu’il ne réplique pas la version en ancien français. Par exemple, Roquefort ne préservait pas les octosyllabes. Aussi, il me semble qu’il ajoute quelque détails et interventions. Moi, j’aime bien ces additions pour obtenir une autre perspective du lait, mais je trouve que Marie de France écrivait un récit plus similaire à la version de Harf-Lancer.
      Finalement, j’ai une question pour toi : est-ce que tu peux clarifie si tu trouves que plus de conjonctions forment une phrase moins ou plus redondant ? Quand j’ai lit ton deuxième paragraphe, je trouve que je ne peux pas déterminer quelle version dont tu parles quand tu as dit « La traduction évite les redondances en utilisant de longues phrases complexes et en les attachant par des pronoms relatifs comme dans l’exemple que je viens de donner. » Merci !

      • Salut Maddy!
        Tu te trompe j’ai pas dit que la version de Roquefort est la plus similaire. J’ai dit que celle de Harf- Lancner et Warnke est plus similaire que l’original parce qu’ils sont tout les deux écrites en vers. La seule chose que j’ai dit qui est similaire entre Roquefort et Marie de France est le registre de vocabulaire.
        Et pour répondre à ta question, je trouve que les conjonctions crée moins de redondances parce que les pronoms ou noms sont moins répété. L’exemple que j’ai donner, par exemple, “elle a enveloppé l’oiseau, elle a appelé un serviteur, lui a confié son message et l’a envoyé à son ami.” l’utilisation des conjonctions font que l’auteur n’a pas besoin de répéter “elle”
        J’espère que cela t’aide.

  4. Salut Maddy et Mariama !

    Vous avez fait un excellent travail de comparaison stylistique sur ces traductions, ce qui montre que vous êtes maintenant d’authentiques critiques littéraires, capables de voir des nuances d’écritures très fines. Je vous félicite !

    PROSIFICATION VERSUS POÉTISATION DE LA SYNTAXE

    Maddy et Mariama ont fait une très bonne analyse de la poétisation de la prose de Roquefort, en montrant les nombreuses conjonctions de la phrase « Ils s’aimaient depuis longtemps, LORSQUE pendant la saison charmante où les bois et les prés se couvrent de verdure, OÙ les arbres des vergers sont en fleurs, les oiseaux font entendre les chants les plus agréables ET célèbrent leurs amours, les deux amants deviennent ENCORE PLUS épris QU’ils ne l’étaient. » Comme Maddy l’explique très bien, ces conjonctions impliquent un lien logique entre l’amour des amants et le printemps, alors que ce lien dans l’original n’a pas à être démontré, puisqu’il est supposé être impliqué par le cadre courtois du récit.

    Par contraste, Maddy a donné un très bon exemple de prosification dans la version : « Il s’éprit de la femme de son voisin. », vers 23. Cette version n’utilise ni conjonctions de subordination ni conjonctions de coordination.
    Mariama décrit très clairement comment le texte de Harf-Lancer & Warnke choisit d’utiliser une s’ries répétitives et redondantes de pronoms (« elle ») et de coordinations (la virgule, le mot « et »), plutôt que d’utiliser conjonctions ou pronoms relatifs dans les vers 137 à 140: “elle a enveloppé l’oiseau, elle a appelé un serviteur, lui a confié son message et l’a envoyé à son ami.” Mariama démontre cela brillament en ‘corrgieant’ le texte de Harf-Lancer & Warnke pour le poétiser : “elle a enveloppé l’oiseau QU’elle a donné au serviteur, EN lui confiant son message, QUI l’a envoyé à son ami.”

    INTERVENTIONS DU NARRATEUR

    Remarquez aussi comment Roquefort embellit le texte en ajoutant une intervention du narrateur : « je laisse à penser quel fut le courroux de la dame ». Cette embellissement du texte est très anachronique, puisque, les auteurs du Moyen Âge ne se mettait jamais en avant, pour des raisons religieuses.

    Le narrateur n’intervient presque jamais dans le lai de Marie de France, car les personnages et l’univers courtois n’ont pas besoin de justification. Il y a pourtant une exception, que Maddy remarque bien dans la traduction de Harf-Lancer & Warnke : « il avait bien l’âme d’un vilain », qui reproduit fidèlement l’original (« De ceo fist il que trop vileins — »).

    ARCHAÏSATION VERSUS MODERNISATION

    Vous remarquez aussi que Roquefort utilise des mots archaïques.
    Maddy et Mariama remarquent très bien que Roquefort qualifie le chevalier de « bachelier » et « la parure », ce qui est un archaïsme, plutôt que de « célibataire » et « les vêtements », comme le fait la traduction de Harf-Lancer & Warnke. Mariama remarque très bien que Roquefort utilise « résidaient » quand la traduction de Harf-Lancer & Warnke utilise « vivaient ».
    Roquefort utilise aussi des formes de conjugaison archaïque. Il utilise la forme « avoit ». Mais si vous comparez avec l’ancien français, on dit « aveit » en ancien français, et pas « avoit » ! « Avoit » est la forme du moyen français (le français de Ronsard, du XVIème siècle) et pas de l’ancien français. L’archaïsme de Roquefort essaie de se rapprocher de la langue source en utilisant une troisième langue. C’est un procédé très artificiel. C’est un peu comme dans les films de fantasy comme Game of Thrones : même si les acteurs sont américains, australiens, ou canadiens, tous les personnages ont un accent anglo-saxon pour avoir l’air plus « archaïques » ! C’est aussi ridicule d’écrire « avoit » pour traduire un texte médiéval que de donner un accent anglo-saxon aux personnages de Game of Thrones. Cela n’accueille pas l’étrangeté du texte de Marie de France, mais remplace l’étrangeté de la langue médiévale avec une caricature.

    Au contraire, la traduction de Harf-Lancer & Warnke utilise des formes grammaticales et un vocabulaire parfaitement contemporaines, ce qui donne au compte du lai l’apparence d’une évidence non questionné, et préserve la spécificité de l’univers du lai, qui est un univers où les évènements ne sont jamais mis en question.

    PROSE OU VERS

    Remarquez que Roquefort utilise la prose en paragraphe, ce qui est une façon de clarifier le texte en le découpant en parties distinctes, de lui donner un ordre, une logique, de produire un jugement sur la succession des évènements. Le texte de Marie de France n’a pas de paragraphe, parce que la succession des évènements de l’aventure courtoise est présentée sans justification, sans explication, (presque) sans intervention du narrateur. Les évènements d’une aventure courtoise sont évidents, et ils n’ont pas besoin d’être justifiés pas le narrateur, car ils illustrent les valeurs de la classe noble dominante, et que ces valeurs n’ont pas besoin d’être justifiées.
    En clarifiant, expliquant et justifiant l’ordre des évènements de l’aventure, Roquefort n’accueille pas la spécificité stylistique du lai, mais remplace cette spécificité avec le style clair et raisonné de la prose du XIXème siècle.

    Mariama mentionne dans sa conversation Skype avec Maddy qu’elle ne trouve pas l’usage du vers approprié pour un récit narratif. Mariama a parfaitement raison : le vers de Marie de France n’est absolument pas un vers poétique. C’est un vers purement narratif, où les rimes n’ont pas la fonction de créer des images, mais la fonction de faire progresser un récit qui ne questionne jamais sa propre logique courtoise. Par exemple, le mot « aima » (« La femme sun veisin ama; ») rime avec « pria » (« Tant la requist, tant la preia ») parce que la chose logique après aimer, c’est prier, et pas pour créer une image poétique entre « pria » et « aima », comme un poème le ferait.
    Le texte de Harf-Lancer & Warnke reproduit visuellement la forme typographique du vers (mais ce n’est pas un vrai vers, car il n’est pas compté ni rimé), préservant au moins visuellement l’absence de séparation, l’absence de logique apparente, l’absence de jugement extérieure à l’aventure qui fait la spécificité assez mystérieuse du lai. Le vers libre (non-compté, non rimé) de Harf-Lancer & Warnke permet d’articuler des propositions et de suggérer un enchainement des évènements sans utiliser de mots de conjonctions (l’aller-à-la-ligne sert de conjonction).

    SIMPLIFICATION

    La traduction de Roquefort a aussi de nombreux exemples de simplification qui montrent que Roquefort efface la spécificité des valeurs courtoises.
    Remarquez que le texte de Marie de France qualifie la dame par son apparence physique son statut socioéconomique (« acemée », qui signifie « ornée »), ce qui correspond à l’idéologie courtoise. Remarquez que Roquefort simplifie complètement cette nuance en disant qu’elle est spirituelle, et ne mentionne pas son apparence physique.
    Autre exemple : le texte de Marie de France mentionne les prouesses guerrières du chevalier célibataire, ce que la traduction de Harf-Lancer & Warnke reproduit fidèlement (« Il participait à des tournois »). Mais la traduction de Roquefort efface toute mention des prouesses guerrières du chevalier. C’est difficile de comprendre aujourd’hui pourquoi l’amour et la guerre vont ensemble, et Roquefort simplifie le texte en effaçant la référence à la guerre.
    Remarquez aussi que Roquefort simplifie le texte original quand il dit que le mari a tué le rossignol par « jalousie ». Le texte original dit « par engresté », ce qui signifie bien par cruauté, ou par colère, comme le traduisent plus précisément Harf-Lancer & Warnke. Ici Roquefort rend le texte plus clair en donnant une raison psychologique plus précise au geste du mari. En vérité, on ne connaît pas les motifs exacts du mari, et cette ignorance rend le texte original plus obscur.
    Tout cela n’accueille pas la spécificité des valeurs courtoises, mais la remplace par des valeurs du XIXème siècle.

    Au contraire, la traduction de Harf-Lancer & Warnke reproduit fidèlement, sans l’expliquer, et sans la nier, la coprésence de l’amour et de la guerre dans le compte (« Il participait à des tournois »).

    VERDICT ?

    C’est donc la traduction Harf-Lancer & Warnke qui illustre le mieux l’accueil de la spécificité, de l’étrangeté et de l’originalité du texte de Marie de France, comme Maddy et Mariama le remarquent bien, car elle n’essaie pas (ou moins) de rendre le texte plus clair, ni plus simple, ni plus poétique, ni plus archaïque, mais le présente le plus franchement possible, avec le moins d’interventions possibles. L’idée selon laquelle une traduction doit accueillir fidèlement la spécificité, de l’étrangeté et de l’originalité d’une œuvre étrangère est en effet une idée moderne, une idée qui n’est pas contemporaine à Roquefort.

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